« Un jour, bien avant sa déportation, devant les membres de sa famille inquiète de ses relations avec les autorités coloniales, Ahmadou Bamba posa les questions suivantes :
– Où est Ma Ba Diakhou BA ? tué à Somb!
– Où est Ahmadou Cheikhou le Lam-Toro ? tué à Samba-Sâdio!
– Où est Mamadou Lamine ? tué à Lamen-kotto!
– Où est Lat-Dior Ngoné Latyr ? tué à Dekhlé!
– Où est Samba Laobé Khourédia MBODJ ? tué à Tivaouane!
– Où est Alboury NDIAYE ? parti en exil! »
Cette édifiante et terrible conversation démontre, à souhait, que pour le Cheikh, toute tentative militaire d’entraver l’expansion française dans le pays, à l’époque, était vouée à l’échec ; car l’envahisseur disposait d’un armement hautement perfectionné, vainement comparable à la vétusté des moyens de défense dont disposait le peuple envahi.
La non-violence de Cheikh Ahmadou Bamba se décline dans tous les aspects de sa vie. Sa vie seule suffirait à éclairer sur les dimensions de la non-violence d’essence divine. Car Cheikh Ahmadou Bamba vivait pour Dieu, et ceci dès sa plus tendre enfance. Sa vie pourrait servir, à elle seule, de base d’enseignement et d’éducation à une véritable culture de paix.
En effet, le Cheikh a subi l’injustice, mais il n’a jamais appelé à la vengeance. Au contraire, il a pardonné, et mieux, il a prié pour ceux qui lui voulaient du mal. Et tout ceci dans un contexte historico social de dénégation de tout droit aux indigènes des sociétés colonisées, dans la période charnière qui marquait la fin du 19e siècle et l’entrée dans le 20e siècle. La non-violence de Cheikh Ahmadou Bamba est d’essence divine et son action prophétique est fondée sur une authentique culture de paix.
Il ne s’agit pas de faire une biographie ni une historiographie de la vie du Saint Homme, mais de comprendre et de faire comprendre sa vie et son oeuvre entièrement fondées sur un idéal qui est la quête permanente de Dieu avec un engagement conscient et responsable dans la société au service de l’Homme.
Notre monde a plus que jamais besoin d’exemples d’êtres qui ont montré la voie de la paix par la non-violence, et qui se sont illustrés par les remèdes qu’ils ont apportés aux maux de la société. Cheikh Ahmadou Bamba est de ceux-là, et il a su relever, par des moyens pacifiques, le défi de la violence extrême qui lui était opposée, et ceci dans un contexte autrement plus négateur des droits humains.
Une culture de paix au service de l’humanité
L’action de cette idéologie est vertébrée par la Khidma, qui est un service rendu aux humains pour l’Amour de Dieu. Le fait de se mettre au service des autres pour plaire à Dieu annihile toute velléité de volonté de puissance ou de concurrence, caractéristiques essentielles des sociétés humaines. Le Mouride éduqué par le Cheikh est un homme de paix, qui ne cherche que l’agrément de Dieu en se mettant au service de son prochain. C’est cet homme préparé, ayant intégré une véritable culture de la paix, qui va habiter les cités édifiées par le Cheikh pour la seule gloire de Dieu.
Non seulement nous devons trôner la non-violence mais devons aussi avoir une stratégie pour l’inculquer aux jeunes. Le document existe, les stratégies sont dans les écrits du Cheikh. Ce document est plus politique que religieux, nous devons nous en approprier pour le bien de tous les Sénégalais. De plus c’est le contexte qui nous l’impose. C’est juste une question de choix et comme le choix ne consiste pas à préférer une chose parmi une multitude mais il consiste plus à se déterminer par rapport à ces choses qui s’excluent mutuellement et où l’une entraîne la disparition de l’autre, comme la paix face à la violence, ou l’amour face à la haine.
Modou FALL
DEGG MOO WOOR